Jeudi 27 Décembre 2018, courte nuit dans les environs de Gobernador Gregores, une ville sans aucun intérêt, puis on alterne route, piste en terre et ripio. Au lieu dit Bajo Caracoles une piste mène à un lieu préhistorique majeur. Ici le ripio est un champ de caillasses et 60 km dessus mettent les nerfs à rude épreuve. On hésite à aller jusqu'au bout mais la promesse d'un site exceptionnel nous pousse à continuer dans le bruit, les secousses et la poussière en roulant à deux à l'heure.
On croise enfin du relief, le Cerro Poivre (dans le texte).
On a le temps d'admirer le paysage, les couleurs, les contrastes, les guanacos qui s'enfuient, le ciel pur, d'essayer de deviner le silence de ces immensités dans le fracas des couverts qui s'entrechoquent et les grincements pénibles de ce brave Philéas qui se dandine comme il peut entre trous et cailloux.
Le ripio descend soudain pour déboucher dans une magnifique vallée où coule en filet le Rio Pinturas. C'est ici que se trouve las Cuevas de las Manos. La dernière visite débute à 19h , il est 19h pile et nous sommes seuls.
La guide nous emmène le long d'une paroi rocheuse sous l'aplomb de laquelle nous découvrons des dizaines de mains peintes il y a dix mille ans, pour les plus anciennes, selon la technique du pochoir. Main posée sur la paroi, la peinture à base de pigments, de sang et d'eau est projetée dessus créant un effet en négatif. Des mains gauches pour la plupart. Génération après génération elles se sont superposées et donnent l'impression de dire bonjour pour l'éternité. Si vivantes. Si émouvantes.
Quelques guanacos témoignent aussi que la vallée était un lieu de chasse.
Tradition d'un clan qui perdurera durant huit mille ans, les peintures les plus récentes ont deux mille ans. Elles s'étalent le long de la roche, pas vraiment protégées des intempéries mais elles résistent au temps grâce au climat sec de la Patagonie.
Chaque membre du clan avait le droit de figurer sur cette toile du souvenir même celui ou celle qui possédait des particularités comme cette main aux six doigts.
Nous passons une bonne heure à discuter avec la guide. Aloys pose des tas de questions (en espagnol), impressionné par la vision de toutes ces mains surgies d'un autre temps. Le site ferme, nous remontons et décidons de passer la nuit sur un promontoire au-dessus de la vallée en espérant que le vent ne se lève pas. Il est tard lorsque nous sommes rejoint par une famille française rencontrée à El Chalten. Chacun s'endort pas très rassuré sur la sécurité du bivouac mais la nuit sera sans vent, les esprits des mains du rio Pinturas ont veillé sur nous.