Jeudi 1er Novembre 2018, après nos péripéties de la veille nous arrivons à Comodoro Rivadavia, une ville sans aucun attrait qui existe grâce au pétrole présent dans le sous-sol des environs. Philéas ayant laissé un bout de pot d’échappement dans l'aventure il nous faut le remplacer. On fuit la ville et on trouve une plage vers la "banlieue", Rada Tilly, plus sympa et très calme.
En cherchant du pain on tombe sur cette boulangerie. A peine garés l'équipe au complet nous saute dessus avec enthousiasme, les filles me demandent si elles peuvent visiter Philéas et nous offrent des gâteaux délicieux.
Cela faisait longtemps que nous n'avions pas eu de vent, ici il souffle vraiment fort, nous sommes trop secoués, on part se mettre à l'abri en ville. Plusieurs personnes viennent nous dire bonjour, les gens sont ouverts et curieux, admiratifs aussi. Je reçois un message d'une certaine Betina. Elle a pris l'adresse du blog quand nous étions sur le parking d'un supermarché et me demande si on veut bien la rencontrer. Je lui propose de venir nous rejoindre. Elle vient avec son amie et nous passerons un long moment à discuter de la vie en Argentine, pas facile car le pays traverse une crise profonde. Leur rêve serait d'acheter un camping-car pour voyager, on les encourage ! Super moment mais il était tard quand elles sont reparties, j'ai oublié de prendre des photos ! On se cale dans une rue abritée pour pouvoir passer une nuit à peu près tranquille sans tanguer.
De fil en aiguille une semaine passe. Nous devons attendre une place dans un garage pour qu'on nous refasse le pot d’échappement. Alors on se laisse vivre sur la plage ... avec ou sans vent !
Puerto Deseado
Mercredi 7 Novembre 2018, à la sortie de Rada Tilly la pampa est défigurée par les petites pompes de pétrole et les innombrables sacs en plastique et déchets volants. A Caleta Olivia on déjeune rapidement sur une plage minable et sale, écœurés de voir une petite colonie de lions de mer évoluer tant bien que mal dans cet univers abimé. Je n'ai aucune envie de prendre des photos. On fuit vers la petite ville côtière de Puerto Deseado qui se cache au bout d'une longue route sans issue. Aujourd'hui on avale 300 km dans le vent qui balaie la pampa sans rien pour le freiner.
Quand je vous dis qu'il y a du vent !
Nous n'irons pas vérifier si le Lourdes Argentin vaut le nôtre, on doute un peu de la notoriété du lieu perdu au milieu de rien du tout !
Avant d'arriver en ville on bifurque au niveau d'un vieux rafiot qui ne prend plus l'eau mais la rouille. Un peu plus loin on trouve un emplacement pour la nuit sur le rivage au milieu des oiseaux marins.
Autrefois estuaire du grand Rio Deseado, l'océan a remplacé le fleuve tarit et s'enfonce loin dans les terres en créant un magnifique couloir animé par les marées. De nombreux oiseaux y vivent en paix sur les îlots ainsi qu'une rare colonie de Gorfou sauteur, une espèce de manchots subantartique. On entend aussi un appel que nous connaissons bien maintenant, il doit y avoir quelques manchots de Magellan sur un îlot proche. Aloys leur répond. Mais tout le monde s'endort quand la nuit arrive.
A notre réveil le vent est tombé, parfait pour une virée à vélo sur la piste qui surplombe la ria. Magellan a fait escale ici pour réparer ses bateaux. Et plus tard Darwin y a débarqué lors de son tour du monde.
Au retour on croise de sympathiques Allemands parlant anglais, Reinhart et Christel. On discute en mélangeant allègrement les langues mais on se comprend ! On les invite à nous rejoindre ce soir pour boire un coup.
Le ciel se charge rendant l'eau turquoise.
Le lendemain on part faire un tour à l'embouchure de ce petit port. La petite ville en elle-même n'a pas beaucoup d’intérêt, sempiternelles rues tracées au cordeau, sans vraiment de charme mais pas désagréable non plus.
Aloys joue au bord de l'eau et voit passer des petits dauphins noir et blanc, les dauphins de Commerson, pas plus d'1m50 et qui ne vivent qu'en Patagonie et aux Malouines. Ils sont rapides, je n'arrive pas à les photographier.
Une gare désaffectée mais très bien conservée et entretenue par les anciens cheminots raconte l'histoire du rail qui devait relier la Patagonie Argentine et Chilienne pour permettre l'acheminement des minerais du Chili jusqu'à la mer et favoriser les échanges. Mais faute de moyens la ligne, inaugurée en 1909, s'est arrêtée bien avant la frontière et a fini par tomber en désuétude dans les années 70. Aloys se transforme en chef de gare, fasciné par la machine à écrire. Le lieu est rempli d'objets anciens et le monsieur qui s'en occupe est un vrai passionné. Il nous demande de nous asseoir dans l'ancien café de la gare avec un groupe de jeunes et nous passe un trèèès long reportage sur l'histoire du ferrocaril suivi d'un discours certainement passionnant mais Gaspard décroche et s'endort et Aloys râle en silence ... Discrètement je lève le camp !
Ayant renoncé à aller voir les gorfous sur leur île ( un peu cher, une sortie organisée le samedi avec plein de monde pour rentabiliser le bateau, ça ne nous tente pas ) on déjeune dans un horrible resto. On voulait des crevettes, on nous sert des choses sèches et marronnasses empestant l’ammoniaque. Pour la première fois j'ai osé dire que ce n'était pas mangeable ce qui nous a valu une attente interminable pour avoir droit à une nouvelle assiette bien plus appétissante !
On repart se mettre au bord de l'eau, sans vent pour interrompre notre nuit ce qui est rare depuis quelques jours. Nous sommes fatigués car nous dormons mal sous les rafales.
Samedi 10 Novembre 2018, encore un ciel lumineux pour une dernière promenade dans ce magnifique paysage. Ce matin nous levons l'ancre pour un tout autre décor et un cours grandeur nature pour Aloys.
Je ne sais pas si nous reviendrons un jour mais en tout cas nous avons bien fait de venir jusqu'ici !