Jeudi 18 Octobre 2018, le ciel est bien gris d'aujourd'hui . Nous plions bagages rapidement et reprenons la piste qui longe la côte avant de rejoindre la route qui mène à la grande Péninsule de Valdes.
Valdes est une presqu'île classée au Patrimoine Mondial, une réserve marine importante. On y vient pour observer les baleines qui viennent mettre au monde leurs baleineaux dans les eaux du Golfo Nuevo et du Golfo San Jose. Mais il y a aussi des colonies de lions de mer, de manchots de Magellan et même des orques de temps en temps. La péninsule est plate et recouverte de pampa à perte de vue.
Nous payons le droit d'entrée et croisons nos premiers troupeaux de guanacos. camélidés sauvages qui peuplent la steppe sèche de Patagonie.
Nous bifurquons au niveau de ce drôle de bonhomme, un bon repaire dans cet univers dépourvu d'arbres. Une piste d'une dizaine de kilomètres mène au Golfo San Jose, nous y serons à l'abri, le vent souffle fort et la seule alternative de bivouac sur Valdès est le camping de Puerto Piramides, fermé mais accessible gratuitement semble-t-il. Nous serons plus tranquilles ici.
On se retrouve seuls de ce côté de la péninsule, enfin, pas tout à fait.
Les baleines sont là, juste à quelques mètres de nous. Les mouettes les survolent et les attaquent pour leur piquer un peu de chair à chaque fois qu'elles refont surface.
Une mère et son petit se promènent le long de la plage ... c'est magique.
La séance d'école est forcément perturbée.
Vendredi 19 Octobre 2018, un cheval s'invite au petit déjeuner ! Il reluque la baguette de pain et passe la tête par la fenêtre ouverte car je guette les souffles dans l'eau, j'adore entendre les bruits de tuba que font les baleines en respirant.
Pour explorer Valdes il faut avaler des kilomètres de ripio, piste infernale de cailloux qui secoue tout. La péninsule est vaste, 70 km par ci, 50 km par là, Philéas grince un peu des pneus ! Et il n'y a aucun campement autorisé hormis à Puerto Piramides ou à la plage sur laquelle nous étions hier soir. Donc il faut faire des aller-retour, c'est un peu le point noir, pas très écolo tout ça. Et le ripio c'est usant, vraiment. Des kilomètres de pistes, droites, droites, droites animées seulement par les moutons des estancias et les guanacos sauvages qui cohabitent.
Soudain, au bord de la piste, des manchots de Magellan ! Ils pondent dans les terriers laissés l'année précédente. Reconnaissables grâce à leur double bande noire, pas du tout farouches, ils se dandinent placidement tout en faisant un drôle de cri qu'Aloys imite à la perfection !
Il fait un froid polaire ce matin, on gèle, un vrai temps de pingouins. (On dit pingouin en anglais et en espagnol, manchots en Français).
Un peu plus loin une grande colonie de lions de mer et comme un air de déjà vu. C'est en effet ici que sont souvent filmés les documentaires sur les orques s'attaquant aux bébés otaries en mars ou avril, les soulevant dans les airs, jouant avec elles pour apprendre la chasse à leurs petits, un spectacle cruel mais fascinant auquel chacun espère assister ...
Il faut attendre la marée haute pour que les orques pénètrent dans le chenal qui les rapproche de la langue de sable sur laquelle vivent les lions de mer, les lobos. Ici aussi tout n'est que calme et tranquillité pour ces animaux. Ils sont assez loin, on ne peut pas les approcher et c'est très bien comme ça. Mais les touristes qui descendent des mini bus semblent un peu déçus ... Ils restent cinq minutes et remontent pour continuer leur tour express.
Nous on s'installe !
On guette en vain l'immensité bleue, on pique-nique puis on part marcher un peu plus loin sur un sentier aménagé pour voir une colonie d'éléphants de mer qui se prélassent dans l'eau glacée.
Les bébés ont une drôle de fourrure épaisse mais non étanche, ils restent sur le rivage à l'abri des corps massifs des adultes.
Nous on accumule les couches pour résister au froid. Il va falloir qu'on s'y habitue même si on va attendre que l'été arrive pour nous aventurer bien plus au sud. Comme partout c'est surtout le vent qui accentue l'effet de froid. On apprécie d'autant plus le confort de Philéas qu'on s'empresse de rejoindre après ce bon bol d'air frais.
Un petit animal qu'on dirait sorti d'un livre sur l'époque des dinosaures traverse le parking à toute allure cherchant à regagner l'abri de son terrier. C'est un tatou, un peludo.
Et sur le chemin du retour un tout petit renard gris, 3 kg à peine, tente de trouver une cachette dans la maigre végétation. J'ai cru que c'était un chat, il a traversé la route et s'est aplati par terre comme un félin pour se planquer.
A la nuit tombée nous retournons sur notre plage et avons la joie d'y retrouver nos amis (déjà croisés dans la journée) pour une soirée chaleureuse !
Samedi 20 Octobre 2018, réveil pluvieux, réveil heureux. Le spectacle de ces baleines qui sautent est toujours fascinant.
Puerto Piramides, le village de la péninsule, n'a jamais été une base de baleiniers mais un port d'où partaient des bateaux chargés du sel récolté dans les salines à l'intérieur de la péninsule. Minuscule ville touristique on y trouve une tout aussi minuscule mais excellente boulangerie, le pain maison au noix est délicieux ! Une bonne nouvelle car en bons français on a du mal à s'habituer à la simili baguette sèche et sans goût.
On reprend le ripio en faisant attention aux guanacos qui peuvent traverser n'importe quand. Aujourd'hui par ce temps gris on retourne chez les lobos pour observer l'océan. Sans succès. La visibilité est mauvaise. Tandis qu'on se relaie pour guetter la présence éventuelle d'ailerons Aloys fait son boulot, on papote avec les gens qui s'arrêtent, on rencontre une famille de Français qui boucle deux ans de voyage, la journée passe vite et on finit par réaliser qu'il est 19h. 140 km pour rejoindre Puerto Piramides, on trace. On en a marre de la piste alors on décide de ne pas retourner sur la plage des baleines mais de dormir au camping marqué fermé mais rempli de voyageurs ! On y retrouve nos amis retraités, on fait la connaissance d'un jeune couple en tente, les journées finissent par être longues et les nuits courtes !
Dimanche 21 Octobre 2018, sous le soleil tout est plus sympa. Pendant que le clan des mâles s'active autour des véhicules on entame une partie de boules entre copines !
Puerto Piramides, la même photo qu'hier les couleurs en plus ... Les tracteurs mettent les bateaux à l'eau. De nombreux touristes embarquent pour aller observer les baleines de près, ça nous tente mais c'est cher, on décide de renoncer. On a déjà de la chance de pouvoir les observer depuis plusieurs jours du bord de la plage.
Nous sommes un peu crevés aujourd'hui, pas très envie de faire des kilomètres de ripio. Après avoir papoté un très long moment avec un couple rencontré au camping nous décidons d'aller poser Philéas à la plage. Aloys est comme chez lui, il ouvre la barrière qui empêche chevaux et moutons de s'enfuir et prend le volant pour conduire ses parents fatigués !
La marée est très basse, la mer très bleue, l'endroit magnifique.
Au loin on voit des éclaboussures géantes, des bouts de nageoires, des sauts. On passe un long moment à profiter du spectacle.
Puis on voit débarquer le jeune couple du camping avec leur tente qu'ils plantent pour la nuit. Puis les retraités puis Pierre et Marie-Pauline, rencontrés ce matin ! Et c'est une joyeuse bande qui s'installe dans Philéas ! Le vent se lève, ça promet de souffler fort cette nuit, c'est comme ça en Patagonie, il faut savoir profiter de l'instant présent, tout peut changer si vite ...
Lundi 22 Octobre 2018, malgré un coucher tardif nous nous levons tôt pour retourner au point de vue des orques, nous sommes du genre obstinés! Tout le monde dort encore lorsque nous quittons la plage. La marée monte, c'est le bon moment. Mais rien, nada, pas l'ombre d'un aileron. Les orques sont passées rapidement la veille, on espérait les revoir ce matin. Tant pis. On repasse voir les adorables manchots qui couvent leurs œufs. Et on rencontre Diane, Eric et Lény qui viennent de Guyane. Eric, ancien militaire, a vécu à Nouméa et a fréquenté le même club de plongée que Gaspard. On discute un bon moment à côté des pinguinos qui continuent leur petite vie sans s'occuper de nous.
La journée est bien entamée, on a prévu d'aller au nord, à Punta Norte, voir une grande colonie d'éléphants de mer. La piste est différente, elle longe des lagunes, ça change un peu. Arrivés là-bas le vent souffle fort et il fait super froid. Pas très motivés on commence par déjeuner ( il est 15h ...) puis on tombe sur les Guyanais et c'est reparti pour un papotage au chaud ! Tant pis pour les éléphants ... Il est tard, le guardaparque nous pousse vers la sortie. On rejoint Puerto Piramides 1 heure et demie plus tard. Tout le monde a quitté Valdes aujourd'hui, les jeunes et leur tente, nos amis retraités repartis à Puerto Madryn mais on a la bonne surprise de trouver Pierre et Marie-Pauline au camping autour d'un bon feu.
Ils n'ont pas de douche dans leur camion et celles du camping sont fermées alors on leur propose une douche Philéas, c'est à dire sans pression mais chaude ! Vendu ! La douche chaude, ce qui manque le plus au voyageur au long cours. Encore un vrai petit bonheur qu'il faut savoir apprécier.
Mardi 23 Octobre 2018, Bleu de Valdes. On prend de la hauteur pour mieux comprendre cette incroyable péninsule, hors de tout. On déjeune face à la pointe en triangle qui a donné son nom au petit port bien caché mais maintenant bien connu des touristes du monde entier. Un camping car s'arrête. Une famille rencontrée à Montevideo le soir de nos retrouvailles avec Philéas. On se croise, on se décroise, on se recroisera. La vie du voyageur est faite de rencontres éphémères, on apprend à dire au revoir juste après avoir dit bonjour. A vivre au présent.
Demi-tour, l'entrée du parc n'est plus très loin, on repart à Puerto Madryn. Une forme familière. C'est un dessin du Petit Prince ! Le boa qui a avalé un éléphant ... Saint Exupéry a survolé la région pour l'Aéropostale et s'est inspiré de cette île. Imagination puissante !
Un dernier regard vers cette petite partie du globe mais aux immenses enjeux pour les gigantesques mammifères marins qui y trouvent encore un peu de quiétude.
Nous avons la chance de pouvoir prendre notre temps et profiter de ces endroits sauvages sans contraintes, c'est ça le luxe, le vrai. On repart de Valdes apaisés, sereins. Cette aventure a tellement de sens !